Mon Chien Café – Laurier

C’est en participant comme « consultant » auprès des créatrices de Carnet-tisse alors qu’elles préparaient le Carnet à la mémoire de mon animal de compagnie que son souvenir — de ceux-là qui reposent dans la mémoire de l’enfance — a refait surface. Il y avait si longtemps que je n’avais pas pensé à lui…

Café. Nous l’avions appelé Café. Bon. Ça ne péchait pas par excès d’originalité, mais Café nous semblait parfait, ce nom correspondait à la couleur de son pelage. Et puis, Ca-fé, Ca-fé… ça portait loin quand il fallait rappeler le joyeux gambadeur à la maison.

Café était un petit chien bâtard à poil semi-long. Et à la queue en virgule. Je ne me souviens plus le chemin qu’il avait suivi pour arriver chez nous — je pense que c’est mon frère ainé qui l’avait acheté ou reçu de je ne sais trop qui… —, mais peu importe, entre lui et moi, le courant a immédiatement passé. Il était de toutes mes randonnées, de toutes mes courses, à pied ou à vélo. J’étais trop petit, 9 ou 10 ans, dans ces eaux-là, pour vraiment réaliser la place qu’il occupait dans ma vie et dans mon cœur. Les seuls moments que nous ne partagions pas, c’était quand j’étais à l’école ou quand je me couchais. Car, pour mes parents, pas question que Café entre dans la maison et encore moins qu’il dorme avec moi. « Un chien, ça vit dehors ! » Point barre.

Café était un petit animal doux, affectueux. La bagarre, il détestait. Je pense qu’il était né sous une bonne étoile. Jusqu’à…

Jusqu’à ce bel après-midi de juillet où je décidai d’aller me baigner avec quelques amis. Jude, Théo, Richard… Ai-je besoin de vous dire que Café était de l’expédition ? Comme les heures avançaient à grands pas et que mes amis n’étaient pas prêts à rentrer en même temps que moi, je pris seul le chemin du retour. Seul est une manière de parler puisque Café était avec moi. Un mille de distance entre le trou de vase que nous appelions le Lac à Kitou et le village. On ne parlait pas encore de kilomètres à l’époque.

Nous nous trouvions à environ à 500 pieds de la maison quand un vieux pick-up déboucha dans la courbe où nous nous trouvions, un piètre conducteur au volant. Sa réputation, ce dernier ne l’avait pas volée. Tout le monde au village savait qu’il avait tendance à conduire beaucoup plus vite que son habileté le lui permettait. Il faucha mon chien et continua son chemin comme si de rien n’était. C’est à demander s’il se rendit compte de ce qui venait de se passer.

J’étais sidéré. Café gisait sur l’asphalte. La roue qui l’avait heurté lui avait broyé la colonne vertébrale. Il essayait de se relever sans y parvenir. Et personne aux alentours pour m’aider, me dire quoi faire. Finalement, je pris Café dans mes bras avec toutes les précautions qu’un enfant de 9 ou 10 ans peut déployer et je le transportai à la maison. M’entendant crier et pleurer, ma mère sortit sur le perron et saisit immédiatement la scène qu’elle avait sous les yeux.

C’est mon frère Robert qui mit un terme aux souffrances de mon petit Café. Constatant l’état de mon chien et la peine qui me submergeait, il prit son courage à deux mains et fit ce qu’il fallait. Il transporta Café derrière la petite menuiserie de mon père. Il y eut un coup de feu. Et une petite tombe creusée par ses soins. Je fis mes adieux au premier animal qui avait habité mon enfance pendant 4 ou 5 ans. Sans doute que sa disparition fut à l’origine de mon premier chagrin d’amour.

Il n’existe aucune photo de Café. Ma mère devait sans doute considérer qu’il ne valait pas la peine de gaspiller une ampoule de magnésium du Kodak Brownie pour si peu. Heureusement, il n’est pas toujours besoin d’une photo pour se souvenir…